Interview de Wael Amr

ParAurelienVandoorine le21/05/2011 à14:25

Après le premier aperçu que j'ai pu vous donner hier du Testament de Sherlock Holmes, je vous propose aujourd'hui un complément à cette présentation avec une interview de Wael Amr, directeur du studio Frogwares, qui a accepté et je l'en remercie de se prêter au petit jeu de l'interview, me permettant de vous proposer cette dernière, qui je l'espère vous intéressera.

Bonjour, et tout d'abord merci d'avoir accepté de répondre à ces quelques questions. Le nouvel épisode de Sherlock Holmes : Le Testament de Sherlock vient d'être annoncé, et cette fois-ci, il semble que nous n'ayons pas affaire à une nouvelle rencontre entre Sherlock Holmes et un autre personnage de fiction ou réel de son époque.
Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette nouvelle histoire ?

Dans cette histoire, on va enquêter sur le meurtre d’un évêque, un meurtre extrêmement violent, et en parallèle de cette enquête, on va suivre l’évolution de Sherlock Holmes qui va se révéler être un personnage plus sombre que ce qu’on peut penser, on va le découvrir d’une manière très différente.

L’enquête se passe à Londres dans pas mal de lieux différents, on va revenir à White Chapel et voyager dans les différentes strates sociales, et aussi s’éloigner un peu de Londres. C’est une histoire centrée autour de la personne de Sherlock Holmes et de ses multiples facettes.

Ce nouveau jeu a été développé avant tout pour les dernière consoles de salon de Microsoft et Sony, un choix assez différent de ce qui avait été fait jusque là, où le jeu était développé sur PC avant d'être transposé sur console. Quelles en sont les raisons ?

Le choix de faire un jeu qui puisse être sur console, c’est un choix aux multiples raisons. D’une part, on veut aller sur console parce que depuis quelques années maintenant, les gros jeux à budget fantasmagorique sur console, intègrent de plus en plus de narration et d’histoire avec des personnages qui sont profonds et contiennent des éléments psychologiques, le tout avec beaucoup de hauts et de bas dans les histoires et des moyens hollywoodiens. En fait, ça devrait être notre cas à nous qui faisons des jeux d’aventure, c’est à nous de proposer les meilleures histoires, et pas à ces jeux d’actions, donc c’est un peu un challenge qu’ils nous lancent. Toute proportion gardée, il faut quand même aller à la compétition avec ces jeux là d’un autre genre, toujours en étant fidèle à notre genre d’aventure, de puzzles d’énigmes et de dialogues.

Mais il faut aussi pouvoir proposer des jeux accessibles par plus de monde, cela demande des aménagements dans le jeu, mais pas tellement et les joueurs PC ne vont pas du tout y perdre, car ils vont se retrouver avec un jeu qui va être de bien meilleure facture et profiter d’un budget de multi plateforme, donc beaucoup plus intéressant.

Dans quelle mesure le gameplay du jeu a-t-il été modifié pour les consoles, quelles sont les nouveautés qui attendent les joueurs ?

Le gameplay n’a pas été modifié dans ce jeu. Ce qui change d’une part, c’est l’évolution graphique qui est très importante, et la prise en main du jeu plus accessible avec le fait qu’il soit quasi impossible d’être bloqué dans le jeu, grâce à des systèmes d’aide et à la possibilité de passer des puzzles, des choses comme ça, une aide douce. Le jeu propose deux niveaux de difficulté pour permettre au joueur de rentrer facilement dans le jeu et de choisir un peu son niveau de challenge.

Selon les informations qui ont été données jusqu’à présent, on devrait trouver un jeu qui se montrera beaucoup plus libre que les précédents. Comment cette liberté va-t-elle être offerte au joueur ?

La liberté est augmentée parce qu’à certains moments on est libre de choisir un peu les voies de l’enquête que l’on veut suivre. Cependant, c’est une histoire de Sherlock Holmes, ce qui implique une narration assez stricte, donc ce n’est pas un jeu ouvert. Ce n’est pas ce qu’on souhaite faire avec Sherlock Holmes, mais on essaye de donner plus de liberté. Par exemple, dans la manière de parler de Sherlock Holmes, on pourra dans certains des dialogues qu’on dit stratégiques, choisir comment il doit parler et sur quel ton. Et puis donner la possibilité au joueur de choisir quelle branche de l’aventure il veut poursuivre.

Dans un récent sondage sur Facebook, il a été demandé aux fans de Frogwares si Moriarty devrait être présent dans le jeu. Etait-ce dans l’idée de l’ajouter, ou bien une confirmation de sa présence dans le jeu ?

C’était un peu une blague de notre chef du marketing, Olga, qui voulait un peu rebondir sur l’anniversaire de la soit disant mort de Sherlock Holmes et Moriarty aux chutes de Reichenbach et faire la collusion à ce moment là. Mais bien évidemment, l’histoire est écrite depuis fort longtemps, et on n’est pas à quelques mois de la fin du développement du jeu à plusieurs millions d’euros à se demander s’il sera là ou pas.

Pour un futur jeu peut-être ?

Je n’ai pas dit s’il était là ou pas !

Le développement d’un jeu est rarement une chose simple, et bien souvent il faut abandonner certaines idées, certains concepts ou faire des compromis. Cela a-t-il était le cas sur ce jeu, et as-tu un exemple à donner ?

Sur ce jeu, pour le moment, j’ai pu faire tout ce que je voulais faire, cette histoire, dans ces conditions là, avec ce niveau de qualité, et pour le moment je n’ai pas eu à faire de compromis. J’espère que la fin de la production ne m’amènera pas à contredire ce que je dis aujourd’hui.

Sherlock Holmes est semble-t-il un personnage toujours aussi mystérieux et réussi. Depuis les derniers jeux, il a fait de nouvelles incursions au cinéma avec un film sorti en 2009, et un second devant sortir cette année, ou encore une série TV de trois épisodes anglaise avec une version modernisée de Sherlock Holmes. Qu'est-ce qui rend ce personnage aussi attractif selon toi ?

Abraham Maslow a décrit sa pyramide des besoins, avec tout en bas des besoins élémentaires, respirer, manger, dormir, et au dessus de cela, il y a les liens sociaux et le travail qui sont déjà Sherlock Holmes. C’est l’intelligence. L’intelligence c’est le savoir. Celui qui sait a plus de pouvoir que les autres.

Dans les relations humaines c’est une évidence. Si je sais ce que tu penses, ou si toi tu sais ce que je pense, tu vas avoir une capacité d’anticipation par rapport à mes actions qui te donne une supériorité. La différence entre l’Homme et les autres animaux, c’est sa capacité d’anticipation et d’adaptation.

On parle d’exactement la même chose en ce qui concerne Sherlock Holmes, c’est l’intelligence mais au niveau des Hommes entre eux, et c’est intemporel, universel et rien ne fera changer ça, même si on est passé d’un savoir vertical entre les gens qui savaient et ne savaient pas, à un savoir horizontal, puisqu’aujourd’hui on peut savoir tout et n’importe quoi sur internet. Ca ne change pas le fait que, celui qui est capable de savoir et d’analyser a une capacité d’anticipation à l’autre. C’est un élément élémentaire de la vie des Hommes, et c’est pour ça que le personnage de Sherlock Holmes l’incarne, qui plus est d’une manière extraordinaire et fascinante.

Quelle que soit la personne qu’on voudrait faire passer pour extralucide, elle serait immédiatement ramenée à Sherlock Holmes. Je pense qu’il y a différents exemples tels The Mentalist ou Dr House, pour parler de série TV, des personnages de romans, on peut parler de plein de choses comme ça. A partir du moment où on place l’anticipation de l’intelligence et de la capacité de raisonnement ou de déduction supérieure à la normale ou à l’autre, on fait immédiatement l’analogie à Sherlock Holmes, c’est le personnage qui incarne ça le mieux, et tout le monde continue à le dire aujourd’hui. Quelqu’un qui dit avoir su enquêter, comprendre une situation, on lui dit t’es un vrai Sherlock. C’est devenu du langage courant.

Si tu devais être un personnage de Sherlock Holmes, quel serait-il et pourquoi ?

Je crois qu’on ne peut être que Watson. On est tous des Watson, il y a toujours une part qui nous échappe. C’est un couple difficile, parce que si on a un Sherlock Holmes qui n’est pas assez extraordinaire, on a un Watson qui est un peu con con. Si on a un Sherlock Holmes extraordinaire, alors on peut avoir un Watson normal, c'est-à-dire à peu près comme n’importe lequel d’entre nous. On est tous des Watson ! (rires)

As-tu une histoire préférée dans la série des enquêtes de Sherlock Holmes écrites par Sir Arthur Conan Doyle ? Si oui laquelle ?

Je crois que l’histoire qui me plaît le plus c’est la vallée de la peur. C’est dans cette histoire que Conan Doyle décrit la situation d’une ville sous le joug d’un gang, et qu’il montre l’impact que cela a sur la vie de tout le monde. C’est l’histoire qui m’a le plus effrayée et marquée, mais c’est vraiment pour trouver un petit plus à celle là, et lui donner un caractère un peu plus universel que les autres. A peu près toutes les histoires ont un truc extraordinaire. La ligue des rouquins, c’est cocasse et c’est génial. La seconde tâche c’est presque du vaudeville Holmésien, il y a une telle variété que c’est difficile de dire que je préfère telle ou telle histoire.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur les autres projets en cours et futurs du studio (Dracula : Love Kills, Sherlock 3DS) ?

Waterlily notre studio de jeux casual est en train de finir Dracula : Love Kills qui est une suite de Dracula : Origine, voilà c’est un bon petit jeu casual, c’est pour ceux qui aiment. Sherlock 3DS, c’est notre premier pas sur la 3DS ce qui est bien sûr intéressant. C’est une nouvelle console, de nouvelles possibilités et de faire un gameplay qui soit adapté. Evidement c’est différent du Testament parce qu’on n'a pas ce niveau de détail, mais c’est aussi du jeux vidéo, c’est une autre présentation, aussi encore plus accessible.

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Merci à tous ceux qui jouent à nos jeux, et puis à tous ceux qui vont y jouer et qui continuent à croire aux jeux d’aventure et qui nous respectent, et nous permettent de continuer à en vivre. On fait ces jeux pour eux, ils nous font vivre en les achetant, moi je trouve ça génial, c’est une certaine forme de liberté sans intermédiaire, sans schéma tordu et c’est très bien.